Ver-o-peso c'est le marché central de Belém au nord du Brésil, un peu comme le marché des Halles au cœur de Paris quand celui-ci existait encore, le ventre de Paris, celui des halles Baltard, avant que ne s'y installe un grand centre commercial et le hub sous-terrain pour le métro et le RER. C'est moins folklo, quoique, cela révèle une autre époque.
Il y a le port, en face de la place de l'horloge, avec les bateaux de pêcheurs qui arrivent pendant la nuit pour y décharger leur cargaison. On voit à l'horizon des îles, l'étendue d'eau semble infinie. Ce n'est pas un océan ni une mer, ce sont des baies, celle de Guajará d'abord puis celle de Marajó qui finalement après avoir reçu dans son lit la rivière du Tocantins, cousine de l'Amazone, rencontre l'océan Atlantique à quelques dizaines de kilomètres de là. On s'active pour préparer les poissons, les trier, les mettre en filets, on attend les acheteurs, on se connait, ça blague, ça fume et ça boit, il y de la musique. On parle de Remo et du Paysandu les deux équipes rivales locales, les corps sont tatoués, torse nu, il fait chaud. Tout ça au milieu de cette odeur si caractéristique qui possède même un nom, le pitiú. La chanteuse locale Dona Onete a fait une chanson qui est une ode à ce lieu imbibé de ces effluves.
À quelques mètres de là, sous les murailles de l'ancien fort, on trouve le marché de l'açaí, cette petite baie qu'on ne trouve que dans cette région et qui sert d'aliment de base aux populations locales depuis toujours. Vous avez peut-être déjà entendu parlé de l'açaí, il est à l'honneur sur les réseaux sociaux, on le retrouve qui décore le bowl du petit déj d'influenceurs qui essaient d'exister comme ils peuvent. Dans la région, l'açaí se vend frais et se conserve mal, il faut ensuite le presser pour en extraire la pulpe puis on le consomme en le saupoudrant de farine de manioc ou de tapioca, éventuellement de sucre, et on l'accompagne d'un poisson frit, d'une viande séchée. Dans certains coins plus reculés de la région, l'açaí pousse naturellement le long des rivières, on le récolte et le mange quotidiennement. Cela accompagne tout, et pour certains, il faut de l'açaí pour faire un bon repas. Ici les bateaux arrivent chargés de la précieuse baie et commence alors le bal des porteurs. Il faut les voir, les seaux qui servent d'unité de vente sont portés sur la tête, un sceau, deux sceaux, trois ou plus pour les plus téméraires. Les corps se déplacent avec hâte, nus, tatoués, musclés. Et le jour se lève doucement, les premières lueurs annoncent la fin du labeur, on peut se reposer, discuter, boire un verre.
De la pute au négociant aisé, la société toute entière s'y trouve. Et avec elle la vie. Alors c'est vrai que lorsqu'on pense à ce que sont devenues les halles à paname aujourd'hui et en fait plus généralement tous les lieux qui jadis débordaient de vie, par exemple le port de Rouen où j'habite désormais, on se dit, mince, on a raté un truc. Y'a clairement quelque chose qui a merdé pour qu'on se retrouve aujourd'hui dans nos contrées prétendument développées avec des lieux magnifiques, souvent centraux, qui sont accaparés par des multinationales pour vendre toujours plus de conneries de mauvaises qualités, fades, partout les mêmes, avec les impacts sur la planète que l'on connait.
La nature déborde, les gigantesques manguiers protègent du soleil harassant. Dans les étales du marché, mille odeurs, mille saveurs. Le coin des herbes médicinales où on trouve des concoctions de toute sorte, le coin des herbes aromatiques avec cette odeur enivrante de cheiro verde, le coin où l'on prépare le tucupí avec cette gestuelle habile au couteau pour préparer le manioc. Et surtout le coin de la bouffe avec ses dizaines de petits comptoirs. Tout le monde est là : le fêtard terminant sa soirée, le travailleur du coin, le père de famille venant faire ses courses, les bandes de copains, les mendiants qui viennent réclamer leur dû, l'ambiance est festive. Tout d'un coup quelqu'un court, les regards se tournent. Un vol à la tire, le temps est suspendu, une course poursuite qui se terminera en un jeu du chat et de la souris dans les ruelles avoisinantes. C'est l'équilibre des choses.
Il y a le port, en face de la place de l'horloge, avec les bateaux de pêcheurs qui arrivent pendant la nuit pour y décharger leur cargaison. On voit à l'horizon des îles, l'étendue d'eau semble infinie. Ce n'est pas un océan ni une mer, ce sont des baies, celle de Guajará d'abord puis celle de Marajó qui finalement après avoir reçu dans son lit la rivière du Tocantins, cousine de l'Amazone, rencontre l'océan Atlantique à quelques dizaines de kilomètres de là. On s'active pour préparer les poissons, les trier, les mettre en filets, on attend les acheteurs, on se connait, ça blague, ça fume et ça boit, il y de la musique. On parle de Remo et du Paysandu les deux équipes rivales locales, les corps sont tatoués, torse nu, il fait chaud. Tout ça au milieu de cette odeur si caractéristique qui possède même un nom, le pitiú. La chanteuse locale Dona Onete a fait une chanson qui est une ode à ce lieu imbibé de ces effluves.
À quelques mètres de là, sous les murailles de l'ancien fort, on trouve le marché de l'açaí, cette petite baie qu'on ne trouve que dans cette région et qui sert d'aliment de base aux populations locales depuis toujours. Vous avez peut-être déjà entendu parlé de l'açaí, il est à l'honneur sur les réseaux sociaux, on le retrouve qui décore le bowl du petit déj d'influenceurs qui essaient d'exister comme ils peuvent. Dans la région, l'açaí se vend frais et se conserve mal, il faut ensuite le presser pour en extraire la pulpe puis on le consomme en le saupoudrant de farine de manioc ou de tapioca, éventuellement de sucre, et on l'accompagne d'un poisson frit, d'une viande séchée. Dans certains coins plus reculés de la région, l'açaí pousse naturellement le long des rivières, on le récolte et le mange quotidiennement. Cela accompagne tout, et pour certains, il faut de l'açaí pour faire un bon repas. Ici les bateaux arrivent chargés de la précieuse baie et commence alors le bal des porteurs. Il faut les voir, les seaux qui servent d'unité de vente sont portés sur la tête, un sceau, deux sceaux, trois ou plus pour les plus téméraires. Les corps se déplacent avec hâte, nus, tatoués, musclés. Et le jour se lève doucement, les premières lueurs annoncent la fin du labeur, on peut se reposer, discuter, boire un verre.
De la pute au négociant aisé, la société toute entière s'y trouve. Et avec elle la vie. Alors c'est vrai que lorsqu'on pense à ce que sont devenues les halles à paname aujourd'hui et en fait plus généralement tous les lieux qui jadis débordaient de vie, par exemple le port de Rouen où j'habite désormais, on se dit, mince, on a raté un truc. Y'a clairement quelque chose qui a merdé pour qu'on se retrouve aujourd'hui dans nos contrées prétendument développées avec des lieux magnifiques, souvent centraux, qui sont accaparés par des multinationales pour vendre toujours plus de conneries de mauvaises qualités, fades, partout les mêmes, avec les impacts sur la planète que l'on connait.
La nature déborde, les gigantesques manguiers protègent du soleil harassant. Dans les étales du marché, mille odeurs, mille saveurs. Le coin des herbes médicinales où on trouve des concoctions de toute sorte, le coin des herbes aromatiques avec cette odeur enivrante de cheiro verde, le coin où l'on prépare le tucupí avec cette gestuelle habile au couteau pour préparer le manioc. Et surtout le coin de la bouffe avec ses dizaines de petits comptoirs. Tout le monde est là : le fêtard terminant sa soirée, le travailleur du coin, le père de famille venant faire ses courses, les bandes de copains, les mendiants qui viennent réclamer leur dû, l'ambiance est festive. Tout d'un coup quelqu'un court, les regards se tournent. Un vol à la tire, le temps est suspendu, une course poursuite qui se terminera en un jeu du chat et de la souris dans les ruelles avoisinantes. C'est l'équilibre des choses.